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C’est Arletty qui me l’a raconté…

4 août 2010

Au Théâtre de la Gaité, Francis Huster se lance dans un hommage, un plaidoyer, une réhabilitation de Sacha Guitry, emblème du théâtre de boulevard des années 1930 (et grand favori des Grosses Têtes sur RTL, c’est principalement par ce biais que j’ai entendu parler de Guitry…). A la fois incarnation du Maître et avocat de sa défense, Huster pourfend ceux qui le critiquent et se laisse emporter par sa passion pour Guitry dans une causerie qui n’est que le prétexte à la plus belle des eulogies.

Cela commence par un grand moment de comédie : paré d’une perruque blonde, de grosses lunettes noires à monture d’écaille et d’un smoking, Huster incarne Guitry et commence à raconter l’histoire du Maître à la première personne. Arpentant la scène comme si c’était son appartement, accompagné d’un pianiste en queue de pie,  il offre un verre de champagne à un spectateur, chambre Daniel Prévost, qui se trouve dans le public, et mâtine son langage châtié de références à la politique d’immigration de Sarkozy et à la débâcle des Bleus. On rit beaucoup, et aussitôt, le public est conquis.

Jusqu’à ce qu’une jeune fille au premier rang, plus intéressée par son iPhone que par Huster, le pied posé sur le bord de la scène, se fasse remarquer par l’acteur. Il lui demande de retirer sa jambe, elle se rebelle, le ton monte, entre indignation de la jeune femme et provocation gouailleuse du comédien. L’illusion ne dure pas longtemps, la jeune femme fait partie de la pièce, on s’en doute assez rapidement. En midinette racaille de la Courneuve, Lisa Masker n’est guère convaincante… Mais la confrontation entre les deux générations (l’origine sociale et l’âge de la jeune femme forçant le trait de manière un peu trop grossière pour être vraiment subtile) permet à Francis Huster de faire tomber le masque, d’ôter sa perruque et ses lunettes pour redevenir lui-même et continuer l’hommage à Sacha Guitry sur le ton de l’éloge plutôt que sur celui de l’autobiographie.

Sa famille, les femmes de sa vie, son œuvre,  ses amis… ils sont tous là, Feydeau, Yvonne Printemps, Octave Mirbeau, Jean-Louis Barrault, Pierre Fresnay, son rival… Le théâtre français défile sous nos yeux, et Huster s’échauffe, emporté par la passion qu’il a de son sujet, ponctuant ses phrases d’un « C’est Arletty qui me l’a raconté… » admirateur, pour donner à son propos le crédit des artistes plutôt que de celui des historiens.

Lisa Masker revient sur scène pour incarner Yvonne Printemps et jouer la scène de la rupture entre Guitry et l’amour de sa vie. Une fois encore, elle n’est guère convaincante, semble réciter son texte – son inexpérience est flagrante dès qu’Huster reprend la parole pour lui donner la réplique. Vêtue d’une robe longue vert d’eau qu’elle ne cesse de remonter, chaussée de talons dans lesquels elle a bien du mal à se déplacer, elle ne remplit pas le personnage d’Yvonne Printemps. Ce n’est que lorsqu’elle interprète « Mon Dieu, que les hommes sont bêtes » que l’on se laisse emporter par sa voix, magnifique.

Huster ne semble pas vouloir s’arrêter. Il évoque et révoque les accusations quant à l’association de Guitry avec l’occupant allemand pendant la guerre. Parle de sa dernière femme, Lana Marconi, du tombeau des Guitry, avec le débit rapide qui caractérise toute sa performance, et qui rend cette causerie si naturelle. Le rideau tombe, et pendant les saluts, on se dit que finalement, on irait bien voir une pièce de Guitry…

4 commentaires leave one →
  1. playne permalink
    4 août 2010 13:56

    Lib, plus je lis tes critiques, plus je me dis que je devrais faire un budget théâtre. Ou gagner au loto et aller au théâtre. ^
    (Oui je sais, je te l’ai déjà dit, mais je me devais de le partager avec la Terre entière !)

    • 4 août 2010 15:08

      Dans les théâtres privés, certains soirs de la semaine, ça coûte 10€ pour les moins de 26 ans, une place de théâtre : profite !!

      • playne permalink
        4 août 2010 15:15

        Je vais éplucher ça…mais dis pas ça, après Lien Rag va encore me chambrer sur les minikeums ^^

      • Lien Rag permalink*
        5 août 2010 07:24

        Je suis allé voir le roi lion à 10€ (au lieu de 120) grâce à ce système, je vais pas te chambrer. 🙂
        Et puis tu vas payer ma retraite pendant 10 ans donc je peux pas t’en vouloir 😀

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