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L’Outrenoir & Cie

11 mars 2010

 

Jusqu’au 8 mars 2010 s’est tenue, au Centre Pompidou, l’exposition Soulages. Certains d’entre-vous, lecteurs, jugeront scandaleux qu’on ait consacré à ce « charlatan » (dixit un des visiteurs – aigri – pourquoi n’est-il pas resté chez lui celui-là regarder Téléfoot ?) une exposition.

.oO***Oo.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Soulages est un type qui peint des toiles en noir… Passionnant me direz-vous ? Eh bien oui ! On ne s’ennuie pas une minute au fil des dix salles de l’exposition. Comme souvent, le Centre adopte une logique chronologique dans la scénographie : on découvre le noir dans toute sa richesse et expérimenté dans une extraordinaire diversité. Le temps passant, ses œuvres gagnent sensiblement en profondeur. « Profondeur » en ce sens où les œuvres sont de plus en plus abouties (à mes yeux), et en « profondeur » physique puisque Pierre Soulages n’aura de cesse de travailler la matière, de jouer sur les textures et les épaisseurs. Le feuillet de l’exposition réfère un nombre incalculable de fois au « noir » ; pourtant, ce n’est pas ce qui m’a le plus parlé dans la peinture de Soulages.

La peinture de Soulages s’inscrit dans un contexte particulier et qui a dû, je le pense, l’influencer durant toute sa vie artistique. Soulages naît au lendemain de la Première Guerre Mondiale et s’épanouira artistiquement à partir des années 40. Ses premières années d’expression sont sûrement les plus figuratives : on lit dans ses travaux quelques mystérieux idéogrammes ou quelque autre écriture d’ailleurs. Pour le communicant du dimanche que je suis,  les premiers échos qui ont résonné dans mon esprit furent ceux de « signe », « message », « réseau », « infra-ordinaire »… En gros, je voyais dans cet art l’expression, la traduction abstraite de notre monde : les grands chapitres de notre histoire peuvent être lus chez Soulages.

On sent dans ses premiers travaux un certain tâtonnement, une certaine recherche de sens et de message ; que de mystérieux idéogrammes il a tracé alors… Que de chemins il a cherché et qu’il a essayé de cartographier. La lumière, la clarté se sont ensuite faites plus ténues, à l’image des sombres années de guerres et post-guerre qui ont suivi. Ici, n’est-ce pas quelques wagons nazis, dans lesquels la lumière ne peut pénétrer qu’à travers de rares interstices ? Les tableaux sont noirs, pourtant, derrières ces lavis de noir, la couleur, la lumière transparaissent. Ou bien ici encore, n’est-ce pas une nouvelle urbanité qui est inventée par ces aplats de noir, retraçant abstraitement routes et immeubles ?

Ainsi peut-on voir dans ce travail une ode à l’urbanité, à une nouvelle société industrielle : ce noir paraît d’une matière indéfinissable, on lui voue même un culte via ces diptyques, triptyques et autres polyptyques eux-mêmes réalisés à l’aide d’une peinture qui semble tantôt métallique et tantôt plastique…

Les dernières toiles présentées laissent l’esprit de plus en plus libre au rêve et à l’interprétation : est-on plongé dans l’infiniment petit, l’infiniment grand, dans une expérience onirique ? Pour ma part, l’envie était grande de toucher, de caresser – sensuellement ? – ces peintures afin de les comprendre, afin de mieux ressentir les vibrations de ces lignes gravées minutieusement dans la peinture.

Finalement on peut dire que Pierre Soulages n’aura eu de cesse, durant toutes ces années, d’expérimenter et de jouer avec les formes, les reliefs et la lumières pour nous amuser et nous intriguer à l’égal des fresques des premiers hommes.

4 commentaires leave one →
  1. broc77 permalink
    11 mars 2010 08:32

    Un grand Merci au nom de cet artiste.En effet certains « crachent » sur cette forme d’art mais c’est un aboutissement:L’ART poussé à l’extrême.Un très bon article est consacré à Soulages dans la revue CONNAISSANCE DES ARTS;n°675 d’octobre 2009.De très belles photos pour expliquer l’artiste et un commentaire intéressant.BRAVO!

  2. Syracuse Cat permalink
    11 mars 2010 10:49

    A mon très grand regret, je n’ai pas pris le temps d’aller voir cette expo, mais j’en avais vu une autre quand j’étais beaucoup plus jeune et un peu moins cultivée, et j’avais a-do-ré. Rien à ajouter à ta magnifique description de ce phénomène qu’on appelle aussi le « noir lumière ».

    J’ai aussi vu les vitraux que Pierre Soulages a conçu pour l’abbatiale de Conques, et c’est tout simplement formidable : il a choisi l’épure, des nuances de gris très subtiles, une forme de mouvement du verre qui habille les lieux d’une manière à la fois sobre et moderne. Certains se plaindront peut-être que ce n’est pas à ça que ressemblait l’église au Moyen-Âge, mais en l’absence des vitraux d’origine, le choix de la luminosité combinée à une véritable démarche artistique d’une manière aussi intelligente me paraît tout à fait valable, car il valorise autant le patrimoine médiéval que l’art contemporain.

    Merci, Stef, pour ce bel article.

  3. stef808 permalink
    13 mars 2010 17:14

    Merci Broc pour les infos 😉
    Effectivement Syracuse Cat j’ai lu des trucs sur les vitraux… j’aurais pu et dû y faire référence ^^ flemme flemme quand tu nous tiens… Et manque d’inspiration maladive 😦

  4. Syracuse Cat permalink
    13 mars 2010 20:15

    Ne t’en fais pas, Stef, ce commentaire se voulait un complément d’information destiné à étaler ma culture, c’est tout^^

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